lundi 13 février 2012

Mamans, Nounous et Stéréotypes à gogo

Dans son livre, Qui gardera nos enfants ? (Flammarion), Caroline Ibos, sociologue, livre: "une enquête inédite sur les nounous africaines qui viennent garder à domicile les enfants des couples bi-actifs parisiens. Durant trois ans, fréquentant jour après jour le même square, elle a gagné la confiance d'une douzaine de femmes ivoiriennes qui se sont confiées, puis elle est passée de l'autre côté du miroir, rencontrant quelques dizaines d'employeurs français." (1)

C'est en tout cas ce que relaye l'article du Monde consacré au sujet qui résume les idées clés de cette enquête: une relation employeur/domestique asymétrique, difficile entre les mères et les nounous ; l'absence notoire du père (what else?) dans cette configuration ; une culpabilité latente de la mère qui confie son enfant à une nounou sans formation ; des demandes qui dépassent la fonction de nounou pour laquelle elle a été recrutée ; des stéréotypes à la limite du racisme  ; un rapport de classes au quotidien et j'en passe...


Si cet article résume bien l'essence du livre, alors on est mal barré. Et ce pour plusieurs raisons.

Je ne peux évidemment pas contester les témoignages et confidences recueillies par Caroline Ibos. Ce que ces nounous ivoiriennes (je n'emploierai pas le mot africaines car l'Afrique ne peut être réduit à une civilisation un pays mais là je m'égare) vivent au quotidien existe sans aucun doute. De même, ce que ces mères font vivre à ces nounous existe sans aucun doute.

Ce qui me gêne profondément c'est cette tendance de partir d'un échantillon aussi réducteur (une poignée de mamans d'un arrondissement non identifié, des nounous ivoiriennes) et de présenter les conclusions comme une vérité universelle, Française. Cette enquête, et malgré le fait qu'elle ait duré 3 ans, ne peut servir à affirmer une exception Parisienne quelconque...

Il est vrai que la sociologie est un point de vue particulier sur un sujet de société. Ce n'est pas forcément une étude sur un échantillon suffisamment large qui permet d'établir des tendances, des profils, des vérités. En l'occurrence ici, il s'agit de l'étude des relations employées-employeuses d'un microcosme parisien constitué d'une dizaine d'employeurs et de quelques nounous ivoiriennes fréquentant le même square, comme le précisé l'article. Il s'agit donc bien de l'étude d'une minorité.

Ce que Caroline Ibos détaille sans doute dans le livre doit être vrai pour cette minorité mais je ne peux imaginer que c'est la dominante générale en France. Est-ce que c'est l'article qui fait du zèle en donnant l'impression d'une vérité incontestable? Ou est-ce que le livre est écrit de la sorte? Je n'en sais rien. Je lirai bien le livre pour me faire une opinion plus fondée.

Cependant, et c'est là où je trouve l'intérêt de l'article, c'est ce que cette minorité de femmes nounous et employeuses, qui se trouvent coincée dans une lutte de classe, nous révèle une part de racisme (ordinaire?) que ces ivoiriennes subissent alors que justement, par le biais de leur travail, elles permettent à ces dames de pouvoir travailler, se réaliser, et peut-être même s'épanouir (?).

(1) http://www.lemonde.fr/societe/article/2012/01/31/les-meres-et-leurs-nounous-je-t-aime-moi-non-plus_1636844_3224.html

13 commentaires:

  1. Je suis auxiliaire parentale et je ne m'y reconnais pas du tout ! Quel est l’intérêt de faire une étude si réductrice?

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    1. C'est la question que je me pose. Je pense que c'est intéressant dans l'ensemble mais à présenter comme l'étude d'un cas particulier aurait été plus pertinent... C'est peut-être l'article qui ne rend pas service au livre...

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  2. J'aime bien ta conclusion et ce que ça interroge en effet... Je n'ai aucun doute sur le fait que ce racisme ordinaire existe bel et bien, après en effet je n'ai pas lu le livre et ce qu'elle décrit correspond probablement à une vérité de quartier... si c'est généralisé c'est nul... 3 ans pour ça ?!

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    1. Oui il paraît qu'elle les a accompagné sur une durée de 3 ans... Je vais essayer de me le procurer, pour me faire une idée plus juste du livre...

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  3. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  4. je suis curieuse, après avoir lu l'article de livre le livre du coup, parce qu'une poignée de nounous, dans un seul arrondissement n'en fait pas une généralité, et c'est bien dommage qu'il pousse la communication dans ce sens.Il est évident que ces faits existent, mais il aurait été mieux d'accentuer sur le petit échantillon interrogé, même si l'enquête a duré 3 ans, ce que je ne remet pas en cause, ce n'est tout de même pas une généralité, je connais de nombreuses nounous venues d'origine africaine, qui sont en très bon terme avec leur patrons, et qui entretiennent une bonne relation avec le foyer pour lequel elle bosse!

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    1. Je suis tout aussi curieuse que toi :) J'espère que la bibliothèque municipale l'aura pour assouvir ma curiosité. En ce qui me concerne, je ne connais que deux familles dans mon entourage ayant des nounous à domicile et j'avoue que ce n'est pas un sujet qu'on a abordé en détail...

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  5. J'ai été assez interloquée en lisant la semaine dernière cet article du Monde. Mais en lisant le livre qui pour ma part porte mal son titre on se rend compte que c'est surtout un constat sur une situation bien cib lée(génralisateur)...Mais dommage que celà ait pu générer des articles journaux généralisant la situation et que j'ai trouvé assez culpabilisant par rapport aux mères actives qui se retrouvent dans l'obligation de confier leur enfant à une nounou...

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    1. C'est vrai que la description de l'article peut culpabiliser pas mal de mamans dans cette situation, encore quelque chose de déplorable concernant l'article du Monde

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  6. Je vais voir si le livre est dispo dans ma médiathèque !

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  7. Bonjour,
    je viens aussi de finir ce livre. Je retrouve un certain nombre de points communs avec des situations vécues. Je suis pile poil dans le profil : proche banlieue parisienne, bons revenus, horaires à rallonge, et nounou à domicile.
    Mais je suis surpris malgré tout des réactions et attitudes des employeurs : on dirait davantage des stéréotypes que des couples parentaux réels.
    L’auteur n’a-t-elle retenu de ces trois années que des saillies pour mieux marquer les différences de territoire ?
    Pour la vivre au quotidien, et la partager également avec d’autres familles, je trouve la réalité beaucoup plus riche et nuancée que cette étude.
    Elle a au moins le mérite d’interpeller. Mais au-delà ?…

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  8. Bonjour,
    je viens aussi de finir ce livre. Je retrouve un certain nombre de points communs avec des situations vécues. Je suis pile poil dans le profil : proche banlieue parisienne, bons revenus, horaires à rallonge, et nounou à domicile.
    Mais je suis surpris malgré tout des réactions et attitudes des employeurs : on dirait davantage des stéréotypes que des couples parentaux réels.
    L’auteur n’a-t-elle retenu de ces trois années que des saillies pour mieux marquer les différences de territoire ?
    Pour la vivre au quotidien, et la partager également avec d’autres familles, je trouve la réalité beaucoup plus riche et nuancée que cette étude.
    Elle a au moins le mérite d’interpeller. Mais au-delà ?…

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