jeudi 8 janvier 2015

Trouver les mots ...


Mademoiselle (6 ans et demi) rentre de l'école à midi et me raconte sa matinée comme d'habitude. Mais cette fois, après les histoires de récré, des copines qui ne sont finalement pas si méchantes et des copains de classe qui sont tous amoureux de la petite A., elle me sort: "Maman, on a fait une minute pour les morts. C'est la guerre mondiale en France".

J'avoue, j'ai eu un moment de flottement. Qui? Comment?Pourquoi? Et puis j'ai compris: c'était la minute de silence suite à l'attentat horrible commis contre Charlie Hebdo. Je n'avais pas anticipé de lui parler de ce qui se passe en ce moment. J'avais envie de préserver {encore un peu} sa petite bulle. Mais là, je n'avais plus le choix.

Je suis Charlie. Je suis Musulmane.

Ma religion n'est pas un sujet que j'aborde ici sur le blog. Il s'agit de ma sphère privée. Mais je ne pouvais aborder le sujet avec ma fille sans que je parle de notre religion. J'avais aussi besoin de comprendre ce qui a été dit en classe: ils ont parlé de journalistes et de dessins qui ne plaisent pas à tout le monde, comme cette couverture de Charlie qui montrait le Président F.Hollande déguisé en clown.

J'ai essayé d'utiliser des mots simples, une image simple: pour Noël, elle avait dessiné une araignée-père Noël. Je lui ai demandé d'imaginer quelqu'un qui était vexé qu'on dessine un Père Noël sous forme d'araignée. Qu'on avait le droit de dessiner ce qu'on veut sans que personne n'ait le droit de venir nous interdire de le faire. On a le droit de détester le dessin du Père Noël en araignée, on a le droit de se sentir triste, en colère mais on n'a pas le droit de faire du mal à la personne qui l'a dessiné.

Pour moi, c'était aussi l'occasion de lui parler de notre religion, de notre Dieu et du prophète (sws). Je lui expliqué qu'il y avait des personnes qui n'étaient pas contentes qu'on se moque de Dieu et de son prophète dans les dessins de ce journal. Et c'est pour cela qu'ils ont commis ces choses ignobles. Mais j'ai surtout souligné que c'était inacceptable et que même Dieu n'était pas content de cette violence.

C'était essentiel pour moi de montrer à ma fille que le simple fait de ne pas être d'accord ou de se sentir offensé ou choqué, ne donnait pas le droit d'ôter la vie à qui que ce soit, une vie que Dieu nous a offert, et qui propre à chacun de nous.

C'était essentiel pour moi de souligner le respect de l'avis de l'autre: même si on peut être choqué par des dessins, des paroles, ce n'est aucunement une raison pour en venir à la violence, sans parler de tuer bien entendu. Même notre prophète s'est fait insulter, injurier de son temps et jamais il n'a répondu par la violence. Il a toujours manifesté sa miséricorde, avant d’excuser l'ignorance de ceux qui l'ont attaqué. "Ils ne savent pas" disait-il.

J'espère que ma fille comprendra mes mots mais aussi mes sentiments.
Un sentiment de tristesse profonde devant ces atrocités, pour les familles des victimes, pour ces vies gaspillées, en France et ailleurs,  pour ce qu'est devenu notre monde.
Un sentiment de dégoût, un goût amer de vomi, de voir ainsi des valeurs qui me sont chères, des figures qui me sont sacrés, utilisés, détournés, pour justifier un acte injustifiable.
Un sentiment d'incompréhension totale, absolu, cauchemardesque, qui fait peur: peur des lendemains, peur des représailles, peur que tout ceci ne s'arrête jamais.

S'attaquer à Charlie, c'est aussi s'attaquer à une liberté que tant d'autres peuples envient à la France et rêvent d'avoir un jour.
Je suis Charlie. Hier. Aujourd'hui. Demain.



PS: Le Petit Quotidien a met gratuitement en ligne un numéro spécial pour nous aider à trouver les mots pour en parler à nos enfants www.playbacpresse.fr/documents/charlie/lpq_charlie.pdf


5 commentaires:

Mon blog se nourrit de vos commentaires ! Merci :)

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